Ce qui m’inspire au quotidien. Des tranches de vie, des observations, des réflexions, parfois sérieuses, parfois drôles. Avec toujours l’humain comme trame de fond.

Les « mémères » de quartier

Dans notre rue, elle s’appelait Madame Beaudoin. Une mère et grand-mère vivant avec son mari et les plus jeunes de ses enfants devenus adultes. Très impliquée dans son milieu, j’avais l’impression qu’elle justifiait toujours ses visites par de soi-disant suivis d’un événement x ou y. Elle arrivait parfois en trombe chez nous, sans prévenir, donc pas le temps de ramasser ce qui traînait. Elle zyeutait les alentours sans trop de discrétion et essayait de voir au-delà des quatre marches menant au premier palier de la maison. Ça gênait ma mère, qui savait que Madame Beaudoin verrait le gros chaudron au milieu de la place ou tout autre objet révélant nos activités des derniers jours.

J’ai côtoyé cette dame lorsque je faisais partir de la chorale de l’église. Imaginez à quel point c’était le paradis pour elle! Elle pouvait en savoir davantage sur les familles du village juste en placotant avec les enfants. Cela dit, elle parlait beaucoup, mais n’avait aucune malice. À ma connaissance, elle n’a jamais détruit la réputation de quelqu’un ou semé le bordel dans le patelin. Je crois qu’elle cherchait simplement des choses à raconter pour s’intégrer plus facilement. Peut-être cachait-elle une grande insécurité?

Plus tard, devenue jeune adulte, je pars en appartement, mais je ne suis pas au bout de mes peines: il y a les mémères colocataires, puis les mémères partageant le même immeuble d’habitation.

Photo de Yan Krukov sur Pexels.com

Et puis enfin, ma première maison. Je préférais faire ma petite affaire tranquille, bien que la vie de quartier fût animée par un bel esprit de famille. Mais qu’y a-t-il dans une famille? Des mémères, bien sûr! Dans tous mes voisinages, j’ai trouvé des gens sympathiques, dont certains sont devenus des amis, mais il y en a toujours eu plusieurs affamés de détails croustillants. Ils n’ont pas été servis avec moi, car je ne les nourrissais qu’à petites doses pour combler leurs fringales de fouinage. Sauf que…

Avec le temps, j’ai compris que ce qui est bien avec les mémères, c’est que tu peux profiter de leurs « services gratuits » si tu as un message à faire passer. Suffit d’être à l’écoute et fine observatrice. Suffit d’étudier leurs comportements et leurs relations pour s’assurer qu’elles propageront « la nouvelle » aux bonnes personnes et au bon moment !

Voici maintenant Réjean, retraité, très sociable, qui a à peu près l’âge qu’avait Madame Beaudoin à l’époque. Peu après mon arrivée dans ma nouvelle maison, il m’aborde dans la rue, demande mon nom, où je travaille, etc. L’individu est plutôt sympathique. Ensuite, il me complimente sur mon gazon. En fait, il est bien ami avec ma voisine immédiate et essaie de me faire dire que j’ai de mauvaises herbes parce qu’elle n’entretient pas sa lisière de gazon commune avec moi. Mais pas question que je cède!

Quelque temps plus tard arrive un autre interrogatoire: « Fait combien de temps déjà que tu vis ici? Ton fils est rendu à quel âge? T’es capable de faire tout, toute seule? ». Fidèle à ma personne, je réponds poliment et avec tact : « Oui et j’aime ça! » Même s’il n’a, au fond, sûrement pas de mauvaises intentions, ce jour-là, j’avais envie de lui répondre :

« Oui je fais tout, et ça tu peux le crier sur les toits! Tu peux dire à tout le monde que…

J’ai vu mes grands-parents et mes parents travailler physiquement toute leur vie. J’ai transporté et cordé du bois, aidé au jardin et au ménage de la maison dès mon jeune âge. Mes premiers emplois ont été concierge dans une école primaire, puis cueilleuse de fruits sauvages, travail qui incluait l’empilage et le débarquement de boîtes d’un poids de 30 livres dans un camion. Plus tard, j’ai construit une maison avec le père de mon fils.

Tu me vois depuis cinq ans m’activer dans ma cour, à pelleter et brouetter terre et topsoil, à transporter de grosses pierres de rocaille, des sacs de terre et de paillis, à monter un muret, à déterrer et planter, à tailler ma haie de cèdres, à émonder mes arbres du haut de mon escabeau, à entretenir et tondre mon gazon (le plus beau!). Tu me vois rebouter mes tuyaux d’arrosage, “patenter” mon baril récupérateur d’eau, laver ma maison à la machine à pression.

Tu me vois arriver avec de nouveaux outils et des matériaux, installer des tablettes dans mon garage, au plafond et sur les murs, scier des planches, les assembler, les coller, les visser, rafraîchir une table de baby-foot trouvée au bord du chemin, entrer et sortir les pneus de ma voiture et les rentrer dans le garage, déménager le panier de basket au printemps et à l’automne…

Ben ça, tu peux le dire à tout le quartier, à toute la ville ou au monde entier, qu’une femme, qu’une mère monoparentale parvient à faire tout ça, oui, tout, toute seule! »

Parce que oui, une mémère, ça doit servir à quelque chose et, pourquoi pas, à faire évoluer les mentalités.

Mes références inspirantes

Sur son album Chiac Disco (prix Félix de l’album pop de l’année 2022), la pétillante Lisa Leblanc, native d’un petit village du Nouveau-Brunswick, évoque la réalité du bavardage au restaurant Tim Horton de la place. Mais pour bénéficier de l’endroit, mieux vaut y entrer que de prendre le service à l’auto! Pour vous faire sourire, voici Gossip:

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